Historique du réseau francophone
PROFAMILLE est un programme psychoéducatif structuré, destiné aux proches d’un malade souffrant de schizophrénie.
Initialement développé au Québec par le Professeur Hugues Cormier et ses collaborateurs de l’Unité de psychiatrie sociale et préventive, Université Laval Robert Giffard, ce programme a fait l’objet d’une validation sur environ 50 personnes en 1988.
Il a ensuite été diffusé dans le monde francophone à partir de 1991 grâce au Réseau Francophone des Programmes de Réhabilitation Psychiatrique, fondé par Olivier Chambon, Guy Deleu et Jérôme Favrod.
En Suisse, en 1993, sous l’impulsion de Jérôme Favrod et d’une équipe des Hôpitaux Universitaires de Genève, Louise Rast a utilisé ce programme pour l’association genevoise Le Relais. Il est également repris par le Département universitaire de psychiatrie adulte de Lausanne, suivi par les institutions psychiatriques des autres cantons romands.
En 1999, PROFAMILLE fait l’objet d’une adaptation et d’une traduction en langue allemande sous l’initiative de l’association AFS-VASK Berne et en collaboration avec le Professeur Hans Dieter Brenner des Services psychiatriques universitaires de Berne.
Plusieurs utilisateurs suisses de ce programme se sont organisés en réseau depuis 2000 sous l’égide de Monique Pasche de l’AFS Berne francophone. Ce réseau initialement suisse s’est ouvert sur la francophonie en 2003 avec la participation de l’équipe animée par le Dr Yann Hoddé, au Centre Hospitalier de Rouffach (Alsace) et les membres de l’association Schizo-Espoir.
Cette équipe avait développé une grande expérience du programme depuis 1998 et avait commencé à tester des améliorations dans la technique d’animation. D’autres équipes de France se sont ensuite rapprochées du réseau à partir de 2005.
C’est ainsi qu’à Marseille les premières séances “PROFAMILLE” ont eu lieu en 2010 dans le Service du Professeur Lançon.
Les participants du réseau se retrouvent une fois par an à l’occasion du ‘Congrès ProFamille’, congrès national qui s’est tenu notamment à Paris, Rennes, Poitiers et Dijon en 2018.
C’est l’occasion de comparer les techniques d’animation, les outils d’évaluation, discuter des problèmes de mise en œuvre rencontrés.
Ce réseau permet des échanges d’expériences sur l’utilisation de ce programme.
ProFamille, qu’est-ce que c’est ?
ProFamille est un programme psycho-éducatif structuré, destinés aux proches, aux familles de personnes souffrant de schizophrénie ou troubles apparentés. Depuis peu ce programme a reçu une déclinaison adaptée aux proches, aux familles de personnes souffrant de troubles bipolaires.
Ce programme fait partie des recommandations de bonnes pratiques cliniques.
Ce programme est basé sur une approche cognitivo-comportementale cherchant à modifier 3 cibles :
- Les comportements,
- les cognitions
- et le niveau émotionnel des familles.
Le but est d’amener progressivement la personne souffrant de troubles et sa famille, à passer d’un sentiment d’impuissance et d’une position de passivité ou de révolte face à la maladie, à une prise en charge active à travers une vision réaliste de la maladie.
Pour qui ?
Pour tous les proches des personnes souffrant de schizophrénie : parents, grand-parents, sœurs et frères, proches. Toute personne en capacité de lire et d’écrire.
Pourquoi ?
Comme résultat des conceptions stigmatisantes et des représentations négatives de la maladie répandues dans la société, les familles ont souvent tendance à considérer que les troubles du comportement observés sont dus soit à l’éducation (responsabilité de la famille) soit à des traits de caractère du malade (responsabilité du malade).
Ainsi, les aidant(e)s au sein des familles confrontées quotidiennement à leurs proches malades éprouvent des souffrances et difficultés cognitives/émotionnelles/comportementales, avec la personne en soin.
Il est en effet fréquent que les aidants(e)s connaissent une altération de leur qualité de vie et souffrent de dépression.
- les troubles cognitifs et les réactions de leur proche malade sont parfois déroutantes et peu compréhensibles, ils rendent la communication très difficile.
- le stress d’avoir un proche malade réduit les capacités à faire face et à réagir de manière appropriée
- la fatigue, l’isolement et la culpabilité sont les états évoqués le plus régulièrement par les familles
- la représentation négative de la maladie
Toutes ces difficultés vécues au quotidien peuvent représenter un poids important avec des conséquences directes ou indirectes, de natures diverses tant somatiques que psychologiques mais également sociales et financières.
Objectif du programme ?
L’objectif du programme vise à réduire l’intensité émotionnelle et les situations de stress pouvant se produire au cours des échanges familiaux.
Corriger les représentations et erreurs d’attribution permet de diminuer le sentiment de culpabilité qui est très présent dans les familles.
Favoriser une meilleure compréhension du diagnostic, de la pathologie et de l’évolution des troubles au cours du temps contribue à mieux reconnaître et appréhender les troubles.
Le programme a également pour objectif d’aider les familles à mieux comprendre le système de soins, les différents dispositifs. Une plus grande lisibilité permet une sollicitation des intervenants idoines, pertinente et rapide.
Comment ça marche ?
La mise en œuvre du programme repose sur deux principes :
- Une information concernant les troubles, ses symptômes et leur prise en charge.
- L’apprentissage de techniques pour mieux faire face aux situations difficiles par la gestion du stress, le renforcement des habilités et compétences sociales ainsi que l’entraînement à la résolution de problèmes ou de situations rencontrées concrètement et au jour le jour par les familles.
Pour quelle efficacité ?
Des méta- analyses récentes montrent un taux de rechute divisé par 4 à un an et divisé par 2 les années suivantes de la prise en charge psycho-éducative proposée aux familles.
Cela suggère que l’amplitude de l’effet est du même ordre de grandeur que l’effet médicamenteux.
Son efficacité est partiellement démontrée sur l’humeur des familles, sur l’acceptation du diagnostic, sur l’acquisition de nouvelles connaissances.
La psycho-éducation de la famille du malade est donc médicalement et économiquement pertinente et devrait être systématiquement proposée.
L’efficacité du programme est actuellement évaluée par des questionnaires et échelles avant et après le cycle de formation.
Plusieurs dimensions sont explorées : nouvelles connaissances, modifications des croyances, par exemple le questionnaire d’évaluation de Cormier.
Le travail spécifique sur l’environnement du malade, avec les familles en vue de la diminution du stress intra familial réduit le risque de rechute.
L’éducation des proches a un effet bénéfique sur l’évolution du malade et sur l’importance de son handicap :
- Augmentation de la qualité de vie des familles
- Amélioration des relations intra familiales
- Réduction du taux de rechute des malades dont la famille a participé à ce programme
- Réduction du handicap avec un taux non négligeable de retour à l’emploi
Déroulement du Programme
Quel programme ?
Le programme d’une session ProFamille se compose de deux modules consécutifs :
Un premier module de 14 séances (4 heures par séance) qui comprend 4 thèmes :
- Éducation sur la maladie : modifier les attributions, permettre de comprendre ;
- Développer les habiletés relationnelles : améliorer sa relation avec le malade, baisser la tension, mieux aider la personne ;
- La gestion des émotions et le développement de cognitions adaptées : prendre plus de plaisir, augmenter la confiance en soi… ;
- Développer des ressources : un réseau social soutenant et associatif, tenir sur la durée et pouvoir faire face à des aléas et préparer l’avenir ;
Le second module d’approfondissement est destiné à renforcer les apprentissages et favorise la mise en application des savoir-faire. Il comporte deux séances de révision collective (à 6 mois et 1 an), 4 séances d’approfondissement sans les animateurs et 9 révisions mensuelles par correspondance.
Le message transmis aux participants est le suivant : “Le fardeau psychologique que vous portez en raison de la maladie de votre proche est très lourd à porter pour certains. Le programme ProFamille ne va pas l’alléger, car il ne change pas la réalité de la situation que vous vivez. En revanche il peut vous “muscler” de telle sorte que ce fardeau vous paraisse plus léger”.
Quelle organisation ?
Les séances du premier module ont une durée de 4 heures avec une pause de 15mn en milieu de séance.
C’est un groupe fermé avec en général 12 participants qui s’engagent par écrit à assister à toutes les séances.
Contenu général du programme
- Éducation sur la maladie : modifier les attributions, permettre de comprendre.
- Développer des habiletés relationnelles : améliorer sa relation avec le malade, baisser la tension, mieux aider le malade.
- Gestion des émotions et développement de cognitions adaptées : prendre plus de plaisir.
- Développer des ressources : tenir sur la durée et pouvoir faire face à des aléas et préparer l’avenir.
Formation initiale, 14 séances
Accueil
Séance 1 : Présentation du programme et évaluation initiale
Éducation sur la maladie
Séance 2 : Connaître la maladie
Séance 3 : Connaître son traitement
Révision au domicile et exercices par correspondance
Développer des habiletés relationnelles
Séance 4 : Habiletés de communication
Séance 5 : Habiletés de communication
Révision au domicile et exercices par correspondance
Séance 6 : Habiletés à poser des limites
Séance 7 : Révision des séances 4, 5 et 6.
Gestion des émotions et développement de cognitions adaptées
Séance 8 : Culpabilité et anxiété
Séance 9 : Habiletés à gérer ses émotions / réduire sa souffrance
Séance 10 : Habiletés à gérer ses pensées parasites / réduire sa souffrance
Séance 11 : Révision des séances 8, 9 et 10
Séance 12 : Apprendre à avoir des attentes réalistes
Développer des ressources
Séance 13 : Savoir obtenir de l’aide.
Séance 14 : Développer un réseau de soutien et évaluation
Durant les 24 mois qui suivent la fin du programme, il est proposé :
À la fin 14 premières séances, des séances individuelles sur un rythme hebdomadaire destinées à 3 participants en difficultés peut être mises en place, à part ce cas :
- 4 séances de révisions collectives (à 3 mois, à 6 mois à 1 an et à 2 ans).
- 4 séances d’approfondissement sans les animateurs (tous les 2 à 3 mois environ).
L’intérêt de ces rencontres est :
- De favoriser l’autonomie du groupe et la prise de confiance dans ses propres capacités à agir
- Favoriser l’émergence de participants ayant des capacités à animer des groupes et organiser des rencontres (qui pourraient ainsi devenir des militants actifs d’associations de familles).
Les thèmes abordés sont :
- Post-session 1 : Quels sens la vie peut-elle prendre quand on est proche d’une personne malade ? Dans quels cas la participation à une association de famille peut éventuellement être une aide.
- Post-session 2 : Difficultés à pratiquer les exercices de révision.
- Post-session 3 : Quels sens la vie peut-elle prendre quand on est proche d’une personne malade ? Comment réagir face à un changement de rôle lié par exemple à l’apparente guérison du malade ou au contraire à son décès ?
- Post-session 4 : Difficultés et résultats de la mise en pratique des savoir-faire développés dans le programme PROFAMILLE.
10 révisions mensuelles par correspondance
Mensuellement, les participant remplissent et envoient aux animateurs à la fin du mois correspondant à la révision prévue et pour lesquels une correction type leur est envoyé au début de chaque mois suivant.
Durant cette période, les animateurs maintiennent des contacts téléphoniques réguliers avec les participants pour que leur participation reste importante malgré la plus grande rareté des rencontres.